Accueil Magazine La Presse Mohamed Nejib Ben Salah, ancien ailier de l’OCK: «Derby, un air de fête»

Mohamed Nejib Ben Salah, ancien ailier de l’OCK: «Derby, un air de fête»

Quatorze saisons durant, sous la direction d’un entraîneur d’un réalisme et d’un opportunisme déroutants, à savoir Mongi Delhoum, l’ailier droit Mohamed Nejib Ben Salah a participé à la légende kerkennienne, capable de figurer en Ligue 1 malgré des moyens financiers dérisoires. Grâce à ses dribbles chaloupés et sa pointe de vitesse, il a figuré en tant que figure de marque du championnat national. «Le derby constituait le moment le plus important de la saison, se souvient-il. Je me rappelle d’un derby pas comme les autres, car, avant le coup d’envoi, nous étions mieux classés que le CSS.  Conséquence: durant la phase retour, le match vedette au Mhiri, c’est l’OCK qui le joue. Par contre, le CSS en était réduit à jouer en lever de rideau».

Mohamed Nejib Ben Salah, comment était le derby face au grand voisin clubiste sfaxien ?

Beaucoup de familles kerkeniennes sont installées à Sfax. Et cela donnait à nos retrouvailles des airs de fête. Le derby constituait le moment le plus important de la saison. Je me rappelle d’un derby pas comme les autres, car, avant le coup d’envoi, nous étions mieux classés que le CSS.  Conséquence: durant la phase retour, le match vedette au Mhiri, c’est l’OCK qui le joue. Par contre, le CSS en était réduit à jouer en lever de rideau. 

Quel est votre meilleur souvenir sportif ?

La toute première accession de l’OCK parmi l’élite. Je citerais également ma convocation en sélection nationale. A l’OCK, nous avons été les deux premiers à hériter d’un tel honneur, le gardien Bouraoui Chaâri et moi-même. 

Et votre plus mauvais souvenir ?

Notre relégation après cinq saisons consécutives sous le soleil. Il y a aussi la perte d’une dent dans un télescopage avec le légendaire gardien du Club Africain, Attouga. En voulant «boxer» le ballon, il prend en même temps ma mâchoire. Non, un simple incident de jeu, car cela n’a pas été fait exprès. J’ai fini par inscrire un but à Attouga…

Qu’avez-vous fait depuis votre retraite sportive dans les années 1980 ?

Désormais, je suis un citoyen ordinaire. J’ai pris ma retraite, il y a cinq ans, de l’Office de la marine marchande et des ports, à Sfax, où j’ai travaillé depuis 1975. D’ailleurs, la plupart des footballeurs de l’OCK sont enrôlés dans cet établissement. Le PDG était en même temps président de l’OCK.

C’est ainsi que Ali Attia m’a engagé à l’Ommp dont les premiers responsables allaient par la suite être feu Mohamed Kraiem, l’ancien ministre des Sports, et Youssef Kraiem. Durant sept ans, j’ai entraîné l’équipe Sport et Travail, mais cela n’était pas allé plus loin. Je suis timide. Je crois que le métier d’entraîneur n’est pas fait pour moi. 

Depuis sa première accession parmi l’élite au terme de la saison 1978-79, l’OCK n’a pas lésiné sur les moyens, optant résolument pour un football ultra-défensif souvent décrié par les puristes…

Nous avons en fait opté pour la politique de nos moyens. En accédant parmi l’élite, du 4-3-3 qui propose une ligne d’attaque composée de Msakni alier gauche, Mohamed Boutaba attaquant axial et moi-même ailier droit, nous sommes passés au 4-4-2 qui bloque les espaces et permet de jouer à fond la contre-attaque. Nous nous sommes, si je puis dire, «italianisés» en pratiquant le catenaccio cher aux footballeurs italiens de l’époque.

Et cela nous a réussi, puisque nous allions nous maintenir cinq bonnes saisons durant. Nous devons cette réussite à notre entraîneur Mongi Delhoum (1975-1979, puis 1981-83), un technicien ultra-réaliste qui savait parfaitement composer avec le peu de moyens, notamment financiers, sur lesquels le club s’appuyait.

D’ailleurs, avec Moncef Melliti (1979-1981, puis 1983-84) et Noureddine Ben Mahmoud qui m’a entraîné trois ans en division 2 (1970-1973), Delhoum reste le meilleur technicien que j’ai connu. J’ai eu également Ahmed Ouannès comme entraîneur entre 1973 et 1975.

De qui se composait ce flamboyant Oceano ?

Bouraoui Chaâri dans les bois, Ali Masmoudi, Mounir Grati, Mohamed Dahech, Mohamed Boutaba, Abdelkader Baâti, Hedi Touhami, Farhat Dahech, Mohamed Jemal, Mounir Boussarsar et moi-même.

Dans votre région, un jeune footballeur opte généralement pour le CSS, ou, à la rigueur, pour le SRS. Pourquoi avez-vous signé pour l’OCK, et pas pour ses voisins nettement plus prestigieux ?

Dans notre quartier Chichma, Km 1,5 sur la route de Tunis, nous avons été nombreux à opter pour l’OCK qui venait d’être fondé en 1963. Plusieurs anciennes gloires ont vécu dans mon quartier: Mongi Delhoum, l’ancien avant-centre du CSS qui allait nous entraîner à l’OCK, l’attaquant de la sélection qui joua en Argentine, Mohamed Ali Akid, le véloce ailier du SRS, Mustapha Sassi… Il est vrai que les grands espaces offraient aux enfants l’opportunité de laisser éclater leur talent.

Vos parents voyaient-ils d’un bon œil ce jeu qui prend tout le temps des enfants au quartier et ailleurs ?

Non, loin s’en faut. Aussi bien mon père Mokhtar, fonctionnaire municipal, que ma mère Aïcha pensaient, qu’au contraire, il vaut mieux se consacrer aux révisions et aux études, le foot ne menant nulle part.

Un sport pour «zoufri», ou vagabonds perdus à jamais. Mais c’était plus fort que moi. Après chaque admonestation ou petite correction de la part de mon père, je revenais avec encore plus d’appétit croquer dans le foot.

Avez-vous toujours été ailier droit ?

Non. A mes débuts, j’étais milieu de terrain. Alors que nous jouions encore en division 2, Mongi Delhoum m’a repositionné à l’aile droite, me prenant dans l’équipe des cadets pour me lancer dans le grand bain des seniors.

En toute fin de ma carrière, Moncef Melliti m’avait aligné avant-centre.

Quelles qualités doit posséder un bon ailier ?

Vitesse, appel de balle en profondeur et dans les espaces, et faculté de dribbler et d’imposer sa technique afin de pouvoir éliminer l’adversaire: voilà ce qu’on attend d’un ailier de métier.

Vous avez eu à faire à un grand nombre de défenseurs. Lequel vous a posé le plus de difficultés ?

Le Marsois Salah Berrouba. Une fois, il m’a blessé à la cheville, m’obligeant à rester deux mois loin des terrains.

Quel est le meilleur match que vous avez joué ?

En 1979-80, à El Menzah, contre le Stade Tunisien. Ce jour-là, j’ai signé un doublé, dont un but  réussi du rond central.

J’ai vu que le gardien stadiste était avancé; alors, je l’ai instinctivement lobé. Mon doublé a permis à Kerkennah de mener au score par 2 à 0 avant d’être rejoint sur le fil.

Qu’est-ce qui a changé entre le foot d’hier et d’aujourd’hui ?

Alors qu’on jouait pour ses couleurs, et qu’on s’y investissait à fond, maintenant, on joue juste pour l’argent, comme un simple boulot.

Conséquence: il n’ y a plus de spectacle. Le foot a perdu son âme.

Et l’arbitrage, véritable plaie du foot tunisien, comment était-il ?

Les hommes en noir n’en faisaient qu’à leur tête. Il n’y avait pas beaucoup de  caméras qui filmaient les matches, et par conséquent, ni moviola ni évaluation objective du rendement arbitral. Les hommes en noir se trouvaient dans une impunité totale.

J’ai ainsi été expulsé plusieurs fois. Un fort sentiment d’injustice m’a toujours révolté, car nous formions une petite équipe que certains arbitres n’hésitaient pas à sacrifier sur l’autel de leurs petits intérêts et caprices. Capitaine de mon état, en me faisant expulser, la peine dont j’écopais était doublée. Je pénalisais ainsi très fort mon club.

Bien entendu, en ce temps-là, il était hors de question pour un joueur de changer de club ?

Pourtant, Abdelmajid Chetali m’a recommandé auprès d’un club du Golfe. Je devais partir dans ce club en même temps que Mongi Dalhoum qui allait faire office d’entraîneur.

Malheureusement, notre président, Ali Attia, a catégoriquement rejeté l’idée de m’accorder un bon de sortie.

Quel est votre club préféré après l’OCK ?

Le CSS et le SRS.

A votre avis, quel est le meilleur joueur tunisien de tous les temps?

Hamadi Agrebi, un artiste du ballon rond comme il n’y en aura plus jamais. Minimes, puis cadets, nous avons joué tous deux face-à-face. C’était toujours de petites corrections que nous faisait déjà subir le CSS de Mister Agrebi.

Que représente pour vous le football ?

L’invincible passion qui a bercé mon enfance et ma jeunesse. Je dois tout au sport et à mon club, l’OC Kerkennah.

Sans eux, qui aurait connu Mohamed Nejib Ben Salah ? On m’a pourtant aimé, et on continue de le faire pour les forts moments de bonheur que j’ai su modestement apporter aux fans.

Parlez-nous de votre famille ?

En 1981, j’ai épousé ma cousine Monia Ben Salah. Nous avons deux garçons et deux filles: Mokhtar, Omar, Sahar et Samar. 

Enfin, comment passez-vous votre temps libre ?

Je prends le temps de retrouver au café mes anciens coéquipiers Farhat Dahech et Bouraoui Chaâri. A la télé, on se régale des matches européens. Mon club préféré reste le Real Madrid, et mon joueur préféré, Cristiano Ronaldo.

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